Elodie Stuit

TROIS INFORMATIONS FONDAMENTALES:

1) Les équidés ont les dents qui poussent toute leur vie. Elles prennent environ 2 à 3 mm par an et leur pousse est décroissante à partir de 18 ans.

2) Tous les équidés sans exception sont naturellement prédisposés à développer des surdents à partir de l'âge de 2 ans, quelle que soit leur race, leur taille et leur utilisation.

Ces surdents prennent la forme de pointes coupantes localisées sur la bordure des dents et se forment à cause d’une asymétrie naturelle entre les deux mâchoires. En effet, la mâchoire inférieure ne s'aligne pas bord à bord avec la mâchoire supérieure qui est plus large de 20 à 30%. Les surdents apparaissent donc côté joue pour la mâchoire supérieure et côté langue pour la mâchoire inférieure.

Elles ne sont pas décelables visuellement puisqu'elles sont sur les prémolaires et molaires, soit à l'intérieur de la bouche. C'est au toucher et grâce à un ouvre-bouche que l'on peut les sentir.

L'usure des surdents est alors un des éléments déterminants pour la bonne santé bucco-dentaire et par conséquent pour la bonne santé générale du cheval.

3) Certains équidés peuvent, en plus et indépendamment des surdents, présenter d'autres pathologies qui vont dépendre de l'anatomie même de la bouche, de l'âge et d'éventuels accidents:

- dents de loup, dents de cochon, dents luxées, dents absentes, dents usées, dents surnuméraires, dents cassées

- des malformations congénitales (chevaux bégus ou prognathes)

- des grosseurs (ganglions, surros, abcès, etc..)

Toutes ces pathologies engendrent d'importants problèmes tant pour la mastication que pour le confort du cheval monté, attelé, ou même au repos.

Le passage de la nature à la domestication:

A l'état sauvage, le cheval arrive "en partie" à réguler son état bucco-dentaire en trouvant intuitivement un équilibre entre la croissance permanente et l'usure de ses dents. Il va en effet sélectionner des aliments abrasifs, faire rouler des cailloux dans sa bouche, "se faire les dents" sur des troncs d'arbre et surtout mâcher pendant des heures (18h/24h) en position naturelle (à terre) de telle façon que ses mâchoires sont coïncidentes donc parfaitement fonctionnelles. En somme, il a toutes les chances d'assurer une bonne usure, donc un bon fonctionnement du système masticateur et donc une bonne digestion, d'autant plus qu'il doit se mouvoir pour aller en quête de nourriture. Malgré ces conditions d'usure optimum, il faut savoir que les problèmes de dents restent un facteur de mortalité chez les équidés sauvages.

Il va sans dire que la nature n'a pas prévu que:

les équidés n'aient pas le choix de leur nourriture, qu'ils soient nourris en position statique, à hauteur non naturelle (mangeoires à 1,20 m), qu'ils mastiquent seulement 4 heures par jour (des granulés industriels), qu'ils vivent dans des espaces réduits et que nous leur mettions des mors dans la bouche! Fâce à ces paramètres, le cheval ne peut plus réguler l'usure de ses dents et les surdents sensées être de taille raisonnable prennent des proportions intolérables. Elles engendrent des blessures sur les muqueuses des joues et de la langue (d'où douleur et inconfort), une immobilité du système masticateur et par ricochet, diverses pathologies sur le corps entier (problèmes de digestion, coliques, perte de poids...).

 

SYMPTOMES D'ALERTE SIGNALANT UN PROBLEME BUCCO-DENTAIRE
(ces symptômes laissent présumer des maux dans la sphère bucco-dentaire mais peuvent aussi correspondre à d'autres pathologies):

1) Dans et à l’extérieur de la bouche :

- mastication bizarre, de plus en plus longue et hésitante, bouche tordue
- perte systématique de nourriture entre les dents (faire le test avec des granulés ou des carottes), d'où gaspillage
- stockage de boules d’herbe ou de foin entre les dents et la joue que l’on retrouve dans la paille
- mauvaise haleine
- salive hyper visqueuse (comme de l'huile)
- gencives gonflées
- odeurs putrides par la bouche ou les naseaux
- écoulements purulents par les naseaux
- langue abîmée (coupée ou avec des traces de morsures)
- mouvements de langue récurrents toujours au même endroit (tics)
- présence de gonflements extérieurs le long des arcades supérieures (chicots)
- présence de ganglions entre la gorge et l’auge
- traces de sang sur le mors
- grincement de dents
- cheval qui mord sans raison apparente

2) Etat de santé général :

- perte d'état
- sujet à coliques
- des grains entiers ou de longues tiges de foin sont retrouvés dans le crottin
- crottin malodorant
- cheval prostré, mauvais moral

3) A la monte:

- appréhension voir refus pour mettre ou enlever l'embouchure (tête levée, claquements de dents)
- très dur à guider (pour tourner notamment)
- rènes arrachées
- grands coups de tête en l'air (attention dent de loup!)
- perte au niveau des performances
- hyper sensibilité à chaque action de main entraînant des réactions nerveuses

Environnement:

Le dentiste équin se déplace dans les centres équestres, associations, chez les éleveurs, dans les pensions ou chez les particuliers. Il s’occupe de tous les équidés : poneys, chevaux de selle, chevaux de trait, ânes, mules, quelque soit leur utilisation et leur valeur. La présence d’une tiers personne ou du propriétaire pour tenir le cheval est indispensable.

Pour une bonne intervention, l'objectif est d'optimiser les conditions de sécurité et de sérénité du cheval traité, du praticien et de celui qui tient le cheval.

Le soin peut s'effectuer dans un boxe, dans un jardin, une cour, une grange, une aire de pansage. S'il n'y a pas d'autre choix (vieux chevaux qui ont du mal à se déplacer), le soin peut avoir lieu dans le champ. Je dispose d'un matériel sur batteries qui permet de travailler n'importe où.

Gestion du comportement de l’équidé:

Il sera demandé minimum 20 minutes de patience à l’équidé pour mener à bien l’intervention.

Dans 9 cas sur 10, les équidés traités se laissent faire, se laissant guider par la voix et le contact du praticien.

Il est fondamental de rechercher un travail en douceur et sans stress.

Quand l’état de stress, de douleur, la potentielle dangerosité de l'animal est avérée, ou parce que le technicien doit effectuer un acte douloureux (extraction de dents de loup par exemple), tranquilliser le cheval est alors incontournable faute de quoi les soins sont impossibles. Quelle qu’elle soit, elle devra être réalisée par un vétérinaire, le dentiste équin n’ayant pas le droit d’administrer de tranquillisants.

L’intervention elle-même:

Le praticien prend un temps de discussion avec le propriétaire. Il doit connaître l'environnement dans lequel évolue le cheval, ce qu'il mange, ce qu'il fait (repos, travail, quel travail), si l'intervention demandée est préventive, c'est-à dire dans le cas d'un suivi dentaire annuel ou si elle répond à des symptômes précis et si oui lesquels.

Le praticien prend ensuite le temps d'observer l'état général du cheval et d'établir le premier contact avec ce dernier.

Ensuite, un diagnostic manuel et visuel est effectué à l'extérieur et à l'intérieur de la bouche grâce à un ouvre-bouche qui maintient mécaniquement la bouche ouverte.

Une fois "l'état des lieux fait", les soins peuvent commencer.

Je suis équipée avec du matériel électrique moderne parfaitement entretenu. Les différentes fraises limes rotatives sont en diamant, protégées par des caches pour ne pas blesser le cheval. Les râpes à main sont en titane, en diamant et en carbure de tungstène. Chaque équidé possède une fiche individuelle de soins qui permet un suivi sérieux de l’animal.

Le nivellement dentaire est tout à fait indolore pour le cheval car on ne touche pas au coeur de la dent mais au surplus de dent (excès d'émail, un peu comme de l'ongle). Néanmoins, il faut être honnête sur le fait que le soin est un peu désagréable pour nos chers amis, aussi désagréable que quand notre dentiste nous passe la roulette (fond sonore, vibrations).

REGLES D'OR POUR OPTIMISER LE BON ETAT BUCCO-DENTAIRE DE SON CHEVAL

UNE CONDITION: MON CHEVAL EST AU PRE LE PLUS SOUVENT POSSIBLE

1) Il peut brouter de l'herbe en moyenne 18h/24h et ainsi user correctement ses dents grâce au temps passé à mastiquer

2) Il a accès à de l'herbe bien drue et autres graminées, à des feuilles d'arbre, au foin, qui sont des aliments abrasifs permettant l'usure des dents. Les minéraux et protéines végétales sont également intégrés dans l'alimentation naturelle.

3) Il peut "se faire les dents" sur les troncs d'arbre et faire rouler de la caillasse entre ses dents

4) Il mange à terre, soit à hauteur naturelle, de telle façon que les molaires du haut et du bas s'emboitent correctement permettant ainsi une usure régulière

5) Il mange à terre, ce qui permet aux glandes salivaires de libérer de la salive en quantité suffisante pour assurer l'assimilation des aliments

6) Il mange à terre, ce qui écarte les raideurs au niveau de la nuque, les mâchoires inférieures et supérieures étant reliées par les nerfs à la 2ème cervicale

7) Il prend le temps de manger souvent en petite quantité, de bien mastiquer donc de bien digérer et connaît rarement le mot colique, d'autant plus que la quête de nourriture l'oblige à être en mouvement permanent

8) il mange sans restriction et choisit ce qui est bon pour lui. Son état de santé générale reste excellent jusqu'à un âge tardif